Marcel Proust by Collectif

Auteur:Collectif [Collectif]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, Litt. française
Publié: 2013-01-30T05:00:00+00:00

Les textes qui nous occupent évoquent quant à eux des expériences sensibles gravées dans la mémoire des écrivains et déterminantes dans leurs choix esthétiques, de sorte que, même dans un roman de facture classique tel que Le Blé en herbe, c’est moins l’intrigue sentimentale que l’écriture de la sensation et la perception poétique de l’atmosphère marine et saline que retient le lecteur. Le contact physique avec l’environnement marin, avec le sable et l’eau, affleure constamment dans l’écriture de Colette et de Virginia Woolf, qui intitule The Waves l’un de ses textes les plus aboutis, où les « arias » s’orchestrent sur fond de « Marines » retraçant la succession des heures, de l’aube au coucher du soleil. Hasard poétique, ou signature cryptée ? Les initiales V.W. forment des « Waves », et se lisent en elles… En revanche, les « effets de réel » et les caractéristiques morphologiques d’un site particulier, dont relevait encore la description maupassantienne, importent peu, finalement, à ces fervents lecteurs de Proust que lurent Virginia Woolf, Colette et Nabokov. Le paysage est saisi à travers le regard et la sensibilité poétiques d’un personnage-réflecteur :

Lily Briscoe dans To the Lighthouse, le « je » autobiographique dans Autres rivages, ou, dans « Les Vrilles de la vigne », la promeneuse attentive que révèle la voix narrative. William Bankes et Lily Briscoe, chaque soir, s’en vont contempler « les eaux bleues de la baie ». L’éblouissement toujours renouvelé face à l’incontestable splendeur du site, se double d’une sensation physique, d’une joie du corps tout entier : « On aurait dit que cette eau détachait, faisait voguer des pensées qui, sur la terre ferme, auraient été stagnantes et même qu’elle donnait à leurs corps une sorte de détente physique. » Sensations euphoriques révélant une fusion entre le sujet et son environnement naturel, étrangères, en revanche, au protagoniste proustien, dont la volupté est toujours médiatisée – notamment par la contemplation des jeunes filles vouées aux caresses du grand air, comme pouvait l’être, à la même époque, l’hédoniste et sensuelle Colette :

Mes orteils fouillent le sable pour trouver, sous cette cendre blonde et brûlante, la fraîcheur salée, l’humidité de la marée dernière…

Midi sonne au Crotoy, et mon ombre courte se ramasse à mes pieds, coiffée d’un champignon…

Douceur de se sentir sans défense et, sous le poids d’un beau jour implacable, d’hésiter, de chanceler une minute, les mollets criblés de mille aiguilles, les reins fourmillant sous le tricot bleu […]. Mort délicieuse et passagère, où ma pensée se dilate, monte, tremble et s’évanouit avec la vapeur azurée qui vibre au-dessus des dunes…21

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